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Vers une armée européenne : la coopération germano-néerlandaise en exemple ?

« Nous avons besoin en Europe d’une meilleure coopération entre nos efforts de défense. Par rapport aux États-Unis, l’UE dispose d’une pléthore de systèmes d’armes différents. C’est inefficace, car nos soldats et soldates doivent s’entraîner sur de nombreux systèmes différents, et la maintenance et la réparation sont également plus coûteuses et plus complexes.», Olaf Scholz devant l’Université Charles de Prague, 29 août 2022.

La généralisation du conflit en Ukraine a été l’origine d’une prise de conscience commune sur le continent : il va falloir se réarmer et davantage discuter en matière de défense entre pays européens. Comme l’a pointé le chancelier allemand Olaf Scholz lors de son discours à Prague le 29 août dernier, pour ce faire, l’Europe doit renforcer l’interopérabilité de ses armées mais aussi de ses systèmes de commandement. L’armée allemande, justement, est d’ores et déjà pionnière en la matière aux côtés de l’armée néerlandaise, avec laquelle les interconnections sont importantes. Une coopération entamée depuis 1995 et que le ministre de la Défense allemand présente même sur son site comme un « cadre de référence ». 

D’une brigade commune à l’intégration militaire

L’histoire commence en 1995 à Münster en Rhénanie du Nord – Westphalie où les deux pays s’accordent pour créer un corps d’armée germano-néerlandais sur les cendres du 1er corps de la Bundeswehr. Le corps comprend 1100 soldats ; un effectif qui peut monter jusqu’à 80 000 membres en fonction des besoins. Le corps ressemble peu ou près à la brigade franco-allemande, à la différence que le corps germano-néerlandais a deux états-majors permanents. Jusque-là donc, en comparaison avec le couple franco-allemand, rien d’exceptionnel.

C’est surtout au tournant des années 2010 que la coopération militaire germano-néerlandaise s’est accélérée. En 2014, la 11ème brigade aéroportée de l’armée néerlandaise a été intégrée dans la Division des forces rapides allemandes. Plus concrètement, cela signifie que cette brigade est passée sous commandement allemand. En 2016, les deux pays s’accordent pour intégrer progressivement le Seebataillon de la marine allemande dans la marine royale néerlandaise puis en 2019 pour intégrer une brigade motorisée néerlandaise dans la 1ère Panzerdivison de la Bundeswehr. 

Pour réussir un tel transfert de compétences entre deux pays furent-ils même alliés, il est nécessaire que les deux pays aient des objectifs militaires et de politiques étrangères presque identiques, de même qu’un système politique semblable qui permette une intercompréhension. C’est le cas de l’Allemagne et des Pays-Bas, ayant à la fois un régime avec une forte prévalence du parlement dans la prise de décision, de même qu’un fort dialogue interétatique permanent entre les ministres de la Défense des deux pays – ils se rencontrent chaque mois. Cette prouesse est également possible par l’usage d’un armement interopérationnel (c’est-à-dire pouvant être utilisé aussi bien par un pays que par l’autre), souvent américain.

Un vœu pieux ? 

Là où la brigade franco-allemande, notamment au Mali, se heurte à des prises de décisions différentes entre les deux pays qui empêchent une opérationnalisation commune, une intégration militaire permet le déploiement des troupes des deux nationalités répondant aux mêmes ordres sous un même commandement.

Etant la plus accomplie, la coopération militaire germano-néerlandaise peut faire office d’exemple en vue de la création d’une éventuelle « armée européenne ». Mais le défi semble cependant immense, tant les critères permettant sa réalisation s’avèrent sacrificiels pour chacun des pays membres, alors que l’armée est le symbole même des attributs régaliens des Etats. Car si une politique de défense commune réclame non seulement une politique étrangère commune, elle nécessite aussi le consentement d’un Etat à laisser un pays tiers commander son armée. Ce qui est pour l’heure une ligne rouge pour de nombreux Etats, dont la France. De même que sur le plan de l’interopérabilité, le chemin est encore long à parcourir. Si certains pays ont fait le choix de l’armement américain pour faciliter celle-ci dans le cadre de l’OTAN, la création d’armements européens communs patine, notamment à cause de tensions entre industriels. 

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