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Encadrement des loyers à Berlin, une question de concurrence de compétence législative

Hier, la cour constitutionnelle allemande « cassait » la loi du Land Berlin sur l’encadrement des loyers. Au cœur de cette décision, il y a une question de compétence législative qui est caractéristique du système fédéral allemand et de l’organisation de l’État.

Dans cette organisation on distingue deux entités : le Bund, c’est-à-dire le législateur national, et les Länder, c’est-à-dire les régions qui ont-elles aussi en Allemagne une compétence législative. C’est le socle de l’organisation fédérale de l’Allemagne et la répartition juridique fondamentale de la Grundgesetz (constitution allemande que l’on traduira comme loi fondamentale).

En Allemagne, les Länder ont le droit de légiférer tant que la loi fondamentale ne confère pas la compétence au Bund[1]. Lorsque le Bund usage d’une compétence conférée par un catalogue de domaines particuliers[2] le Land ne peut pas éditer sa propre loi sur la question. Le cas qui nous occupe en est un exemple qui a passionné le débat juridique et qui en est un cas d’école.

Le principe constitutionnel élémentaire reste donc le suivant: L’étendue des compétences des Länder est donc fondamentalement déterminée par l’étendue des compétences fédérales, et non l’inverse.[3] C’est ce que rappelle très clairement la cour constitutionnelle dans son jugement.

Dans notre affaire, le Land Berlin a mis en place depuis 2020 une loi dite de « couvercle » des prix des loyers (Mietendeckel) face à une augmentation constante de ces derniers. 

Si d’un côté les locataires se sont réjouis de voir leurs loyers encadrés, des voix se sont élevées notamment du côté des fractions conservatrices et libérales CDU/CSU et FDP a l’origine de la plainte. Ils dénoncent d’une part une mesure confiscatoire touchant entre autres aux droits fondamentaux de la libre utilisation de la propriété et créant une inégalité non constitutionnelle pour les autres villes d’Allemagne aux loyers elles aussi en hausse, tout en mettant en avant d’autre part une loi constitutionnellement nulle puisque redondante d’une autre loi fédérale sur la question : la loi dite de freinage du prix des loyers (Mietpreisbremse) adoptée à l’échelle nationale par le Bund en 2015.

Par conséquent, le Bund aurait fait usage de sa compétence sur les loyers et aurait dès lors barré la route a toute autre loi d’un Land sur la question. La cour le redit dans son arrêt : Pas de duplication possible. Si le Bund à légiféré, il y a un effet de blocage (Sperrwirkung) de tout autre législation du Land. La loi du Land Berlin ne serait donc pas constitutionnelle.

Restait à savoir si les deux lois tombaient sous la même compétence législative et si cette compétence était attribuée du catalogue de compétences attribuées au Bund, auquel cas l’effet de blocage rentrerait en compte. La cour a estimé que les deux lois se referaient à « une règlementation sur l’augmentation des loyers tombant sous le domaine du droit de location social (sozialen Mietrecht) qui relève lui de la compétence législative concurrente du droit civil au sens de l’article 74 de la Loi fondamentale. »[4]. Et à partir de là, s’en est fini pour la loi du Land Berlin.

C’est là-dessus que se concentre le jugement de la cour qui ne va finalement pas dans la substance. Elle n’examine pas s’il y a eu atteinte aux droits fondamentaux de la propriété et/ou inégalité de traitement avec le reste du pays mais se prononce sur la seule concurrence législative qui en définitive annule tout.

C’est donc politiquement un revers pour le Land Berlin conduit par une coalition de gauche (SPD/Die Linke/Grünen), qui en avait fait un mécanisme phare pour endiguer la hausse des loyers dans la capitale. Comme dans beaucoup de cas juridiques en Allemagne, La Bundesverfassungsgericht vient sonner la fin de la recréation avec son interprétation souveraine de la constitution. Elle fait jurisprudence en fixant une bonne fois pour toute et de façon incontestable l’interprétation constitutionnelle qui prévaut. Par ces jugements, elle rappelle et précise les prescriptions de la (solide) loi fondamentale allemande.


[1] Art 70 GG

[2] Art. 73 und Art. 74 GG

[3] BVerfG, Beschluss des Zweiten Senats vom 25. März 2021
– 2 BvF 1/20 -, Rn. 82


[4] BVerfG, Beschluss des Zweiten Senats vom 25. März 2021
– 2 BvF 1/20 -, Rn. 1

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