Elections au Bundestag 2021 : le mode d’emploi

De Emma-Nora Müller

Dans le cadre des élections au Bundestag du 26 septembre 2021 et dans la lancée de la semaine d’articles consacrées aux primaires de la CDU de janvier dernier, la Denkfabrik vous propose une nouvelle série d’articles présentant les enjeux de ces élections, les candidat.e.s ainsi que leur programme. Par soucis d’équité, les articles portant sur les candidat.e.s ont chacun été écrits par des étudiants et étudiantes membres des partis en question.

Le premier article de cette nouvelle série a été rédigé par Emma Nora Müller, étudiante en troisième année dans le cursus franco-allemand entre Sciences Po Lille et la Westfälische Wilhelms-Universität de Münster. Emma vous propose une explication des enjeux de cette élection, ses modalités, la façon dont est formé le gouvernement et celle dont est élu.e le chancelier ou la chancelière.

1ÈRE ÉTAPE – le vote

Un système électoral mixte propre à l’Allemagne – « die personalisierte Verhältniswahl »

Tout comme dans un large nombre de pays européens, chaque citoyen allemand obtient le droit de vote à l’âge crucial de 18 ans et est ainsi autorisé à participer, mais également à se présenter sur une liste électorale, afin de devenir député au Bundestag. Les élections du Bundestag, soit l’organe politique qui élit le/la chancelière allemand/e, ont lieu tous les quatre ans. En Allemagne, c’est au mode de scrutin proportionnel personnalisé à un tour auquel il est fait appel pour décider de la composition de la chambre haute du parlement allemand.

 Les citoyens disposent de deux voix : une « Erststimme » et une « Zweitstimme ». La « Erststimme » qui correspond à la liste à gauche sur le bulletin de vote, permet aux électeurs de voter en faveur d’un/e candidat/e dans sa circonscription, il s’agit d’un vote ciblé pour un seul candidat, avec ou sans étiquette politique, d’où le terme de « personalisierte Verhältniswahl ». L’Allemagne est divisée en 299 circonscriptions.

En outre, les électeurs disposent d’une deuxième voix, la « Zweitstimme » qui correspond au vote en faveur d’une liste de candidats d’un parti qui diffère selon le Bundesland dans lequel les électeurs sont inscrits, il s’agit de la « Landesliste ». Les électeurs peuvent voter pour un des partis politiques, et non plus un député en particulier, à qui ils souhaitent accorder des sièges au Bundestag.

Les sièges sont répartis de manière proportionnelle, en fonction des résultats obtenus par les partis grâce à la « Zweitstimme », ces derniers sont pourvus en priorité aux candidats qui ont obtenu un mandat de circonscription grâce à la « Erststimme ».

Il arrive néanmoins qu’un parti obtienne plus de « Direktmandate », c’est-à-dire de mandats de circonscription que ce que le pourcentage obtenu ne leur permet d’occuper de places.

Ces mandats sont qualifiés de « Überhangsmandate », plus de sièges sont attribués à un parti afin d’obtenir une composition du Bundestag en adéquation avec les votes des électeurs. Pour rétablir la proportionnalité dans la répartition des sièges sont donc créés par la suite des « Ausgleichsmandate », c’est-à-dire des « mandats complémentaires » pour accorder aux partis qui ont obtenu un certain pourcentage des votes, un certain nombre de sièges en plus, pour que le nombre de sièges qui leur sera attribué corresponde parfaitement au pourcentage obtenu lors des élections.

Il s’agit d’un système quelque peu complexe aux premiers abords, dans la mesure où le nombre des députés du Bundestag varie à chaque nouvelle élection et que la répartition des sièges requiert des calculs abscons, néanmoins ce dernier a fait ses preuves et est en vigueur depuis 1953.

Par ailleurs, il convient de rappeler que sont admis au Bundestag uniquement les partis de la liste électorale ayant obtenu au minimum 5{59d830c6a4f0bb8f619e7e12f228f47a561b3ce7affecda41d6a8e1692257afd} des voix. La « 5{59d830c6a4f0bb8f619e7e12f228f47a561b3ce7affecda41d6a8e1692257afd}-Hürde » également appelée « Sperrklausel » a été introduite afin d’éviter une fragmentation trop grande et la présence de trop de partis au sein du parlement, rendant difficile la formation d’une majorité absolument nécessaire dans tout prise de décision au sein du Bundestag.

2ÈME ÉTAPE – la formation du gouvernement

Les électeurs savent rarement à l’avance de quelles couleurs politiques sera composé le gouvernement. En effet, en Allemagne tant qu’un parti n’a pas obtenu la majorité des sièges au Bundestag, la formation d’une coalition entre deux partis ou plus s’impose pour former le gouvernement allemand. Mise à part en 1957, où la CDU, le parti chrétien démocrate allemand, a obtenu 50,19{59d830c6a4f0bb8f619e7e12f228f47a561b3ce7affecda41d6a8e1692257afd} des suffrages, soit la majorité absolue des votes des électeurs, les partis politiques allemands ont toujours eu à s’allier, afin de former une coalition et à fortiori un gouvernement.

La formation de ce dernier a lieu à la suite des élections législatives, à l’occasion des discussions entre les différents partis censés convenir d’un « Koalitionsvertrag ». Il s’agit d’un document officiel dans lequel les partis ayant obtenu le plus de suffrages et désireux de s’allier, posent à l’écrit le programme qui sera poursuivi durant les quatre prochaines années et dans lequel ils s’engagent contractuellement vis-à-vis des citoyens à respecter les promesses gouvernementales qui y figurent.

Les entretiens qui suivent les élections législatives communément appelées les « Koalitionsverhandlungen », sont plus ou moins longues et plus ou moins conflictuelles selon les partis impliqués qui se retrouvent face à la contrainte de s’aligner sur un programme politique commun qui mette d’accord tous les partis participants à la coalition. Il s’agit d’une étape cruciale et captivante, dans la mesure où il n’est que rarement possible d’anticiper quelles seront les issues de ces négociations qui peuvent durer pour certaines jusqu’à plus de 3 mois, comme le démontre celles qui ont eu lieu en 2017 à l’occasion desquelles le parti de le parti de la FDP s’est retiré des discussions en raison de désaccords majeurs avec le reste des partis, ce qui a mené à la formation d’une GroKo, c’est-à-dire une « große Koalition » entre l’Union CDU/CSU et la SPD le 12 janvier 2018.  

3ÈME ÉTAPE – l’élection du chancelier

Ce n’est que dans un troisième temps, après la signature du fameux « Koalitionsvertrag » que l’élection du chancelier fédéral a lieu. Une fois le gouvernement formé, il revient au président fédéral de proposer un candidat à la chancellerie aux députés du Bundestag. Ce dernier n’est pas choisi au hasard, il s’agit bien souvent du candidat tête de liste du parti qui a obtenu le plus de suffrages lors des élections législatives, qui se doit d’obtenir la majorité absolue des suffrages communément appelée la « Kanzlermehrheit » lors du vote secret auquel sont soumis les députés de la chambre basse du parlement allemand. Si le candidat proposé est élu, ce dernier est nommé chancelier par le président fédéral est entre immédiatement en fonction. Si le candidat échoue et n’obtient pas la majorité des suffrages, le Bundestag dispose de 14 jours pour proposer un nouveau candidat et si ce nouveau candidat échoue, un troisième tour peut avoir lieu. Le troisième candidat ne nécessite alors que de la majorité relative des suffrages pour être élu et nommé à la chancellerie, néanmoins le président fédéral dispose d’un droit de réserve et peut, s’il estime que le candidat élu ne répond pas aux exigences des fonctions de chancelier, dissoudre le Bundestag.

La République Fédérale d’Allemagne est donc dotée d’un chancelier, qui correspond à la figure du chef du gouvernement, mais aussi d’un président qui incarne quant à lui la figure de chef de l’État. Nous venons de voir dans quelle mesure le président joue un rôle conséquent dans la désignation du futur chancelier, toutefois ce dernier est très souvent méconnu du grand public, en partie car il n’est pas élu au suffrage direct, mais aussi en raison de son champ de compétences politiques nettement moins vaste comparé à celui du chancelier. Son rôle est plus représentatif et honorifique que politique, tandis que le chancelier tient les rênes du pouvoir, décide des choix politiques et des stratégies à mettre en œuvre pour mener ces derniers à bien. Ce n’est pas pour rien que l’Allemagne est qualifiée de « Kanzlerdemokratie » et non pas de « Präsidialdemokratie ». Il convient d’analyser leurs obligations et pouvoirs politiques distincts, afin de mieux comprendre la répartition des rôles au sein de la branche exécutive allemande.

Rôles et pouvoirs du chancelier ou de la chancelière ainsi que du ou de la président.e fédéral.e – par Emma Nora Müller

Il ressort des deux tableaux suivants ci-dessus que le chancelier dispose de nettement plus de pouvoirs sur le plan politique que le président fédéral. Néanmoins ce dernier reste indispensable au fonctionnement du système politique de la République fédérale d’Allemagne, dans la mesure où par le biais de son droit de regard tant sur les lois, que sur les personnages politiques qui forment le gouvernement fédéral, il veille à la préservation de la continuité et à la stabilité de la politique fédérale, si chère à l’électorat allemand.

BIBLIOGRAPHIE :

Manfred G. Schmidt. Das politische System der Bundesrepublik Deutschland. 4. Aktualisierte Auflage. 2018. C.H.Beck Verlag. München

Klaus Schubert. Johannes Keil. Demokratie in Deutschland. 2. Aktualisierte Auflage. 2020. Aschendorff Verlag GmbH&Co. Münster

Bundestagswahl erklärt: Überhangs- und Ausgleichsmandate – Tagesschau. Online unter: https://www.youtube.com/watch?v=XajNmZ58NQ8  – Stand am 14.09.2021

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